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Par Clématite le 4 Avril 2015 à 22:02
Quand j'étais petite, comme toutes les petites filles de ma génération, je voulais être infirmière!
Aujourd’hui, elles veulent être "star", chanteuse, actrice, danseuse, mannequin, Nabilla, et encore un peu infirmière, si, si ! Génération désenchantée...
Puis j'ai grandi, et à l'adolescence deux métiers m'attiraient: prof de sport (oui j'étais sportive, , mais ça c'était AVANT!) ou cuisinière! Il faut préciser qu'à cette époque, la télé existait certes, mais pas encore les "top chef" ou "master chef", ni même Véronique et Davina (les anciens comprendront, pour les autres: google est mon pote)..
J'avais déjà eu, à 16 ans à peine, l'idée de préparer des plats cuisinés et les livrer au domicile. Pour contextualiser mes propos, nous n'avions que les bons vieux camions pizzas à l'époque. Je pensais aussi proposer mes services de coach sportif à des personnes, en groupe, sous forme de cours, au sein d'une salle agréable et accueillante, en musique...
Le concept de la salle de gym avant l'heure.
Bref, mes ailes furent coupées par mon paternel, qui jugeait que les prof de gym étaient "tous" des fainéants (sic) et que faire l'école hôtelière pour se retrouver "cantinière dans une école maternelle"...(re sic), ne présentait aucun intérêt.
Donc n'étant pas majeure lors de l'obtention de mon bac, j'étais contrainte de suivre la voie imposée par mes géniteurs (et accessoirement nourriciers): tu seras DOCTEUR mon fils!
Heu moi, c'est "ma fille", suis Clématite, une nana, une gonzesse, une meuf quoi...
Et me voila intégrant la fac de médecine, à moins de 18 ans (17 ans et des micro brouettes, pour être précise).
J'avoue que la 1ere année fut cool ! Pas de contrôles de présence, des amphis immenses où "degun calcule degun" (==> traduction pour les non marseillais: personne ne s'occupe de personne), des mecs a gogo (ben oui les hormones quand même! Et à l’époque j'étais pas trop moche...), une impression de LIBERTÉ, pour moi la petite godiche sortie du giron familial. Et je visitais plus souvent les calanques et salles de ciné que les cours, je l'avoue (pardon papa, pardon maman! Vous ne le saviez pas).
Le résultat ne s'est pas fait attendre: recalée, pour seulement 40 points mais néanmoins!
Et me voilà rempiler, car au final je ne savais pas quoi faire d'autre. Tant qu'à faire médecine, je décidais d'être psychiatre! Qui va 8 va 12 (ans d'études) et après tout j'étais jeune et après tout Mr Freud voulait être zoologue avant d'embrasser la carrière qu'on lui connait!
Et puis être "psy" ça permettrait peut être d'explorer les tréfonds de sa propre âme, et y trouver, qui sait, des solutions? Cependant, la 2eme - 1ere année fut pire que la 1ere. Et là point de salut... le verdict impitoyable en juin: RECALÉE !!!!
Heureusement que malgré ma grande propension festive j'avais écouté une de mes compagnes de beuveries et m'étais inscrite pour des concours d'IFSI, histoire "d'assurer mes arrières". Grand bien m'en a pris car, bien que me rendant au concours d'entrée en tongs et la fleur au fusil (les partiels de médecine étant terminés) motivée comme une limace face une course d'obstacles, je fus admise dans les 3 écoles choisies.
Ainsi commença ma carrière infirmière.
Avec certes des remontrances paternelles bien peu amènes, Lui qui pensait certainement réaliser son vieux rêve de médecine par extension, comme d'ailleurs beaucoup de parents, pensant "à la place" de leurs rejetons et sachant forcément "ce qui est bien pour eux".
Ne manquons pas de faire un parallèle, audacieux peut être, avec ce que nous préconisons à nos patients, nous qui savons ce qui est bien pour eux! Fermons la parenthèse.
Comment s'affranchir de cette emprise? Comment être "soi" et se libérer des injonctions plus ou moins conscientes qui nous façonnent? Comment rester un "bon" enfant, qui se soumet aux désirs pensés pour lui, et se réaliser, concilier le "je devrais" et le "je voudrais" sans pour autant passer pour un traître, non reconnaissant de tous les sacrifices parentaux, jetés en ultimes parades face à l'émancipation du paria ?...
Au final une infirmière reste "soumise", liée indéfiniment à l'autorité pseudo paternelle du tout puissant docteur. Qui aura quasiment droit de vie, de mort (ou de cuissage) sur cette auxiliaire, qui la nourrira de sa science et de ses ordonnances. Le tout puissant prescripteur, celui sans qui l'infirmière n'existe pas, ne peut se faire payer, ni manger du coup...
Et me revoilà sous le joug du père nourricier, au final pas si éloignée de cette position de "bonne fille", et exerçant depuis 30 ans... le métier d’infirmière libérale.
J'eus l’opportunité de m'en affranchir, mais je ne le savais pas: trop jeune, bien sûr, trop innocente et bien éloignée de ces principes fondateurs de nos destinées. Mais ma vie n'est pas terminée!
Je ne pense pas avoir été une mauvaise infirmière au final, bien que pas par vocation, et je m'adresse aux jeunes générations:
Vous pouvez être un excellent infirmier y compris si des chemins non linéaires ou idéologiques vous y ont conduits.
La vocation n'est pas le moteur de l'expertise, la volonté de se remettre en question OUI!
Réflexivement vôtre!
Clématite
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