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Le burn out me re-guette ... je le sens.Non à cause d'une tournée de malade, d'horaires déments ou d'une technicité de spationaute, non, bien au contraire !
L'ennui me gagne, la routine, le manque de renouvellement dans l'exercice quotidien.
29 ans d'exercice libéral, avec des hauts et des bas certes, mais là, je touche le fond. Je travaille de moins en moins en libéral (car d'autres activités en parallèle), et je sens que mon histoire d'amour est désormais terminée. Je ne le déteste pas encore, mais je ne sais plus si je l'aime ...Mes principaux symptômes :
- Je ne vois que le mauvais côté, et je me force à y trouver des avantages (réels , je ne le nie pas !)
- Dès le matin précédant mon jour de travail, je regarde l'heure me demandant combien de temps il reste avant l'appel pour la relève,
- A partir de 17h, je zyeute mon portable, vérifie que la sonnerie est activée, l'emmène avec moi pour aller faire pipi, ne répond à aucun autre appel, et à partir de 18h 30 , la tension monte, je tourne en rond en pestant sur la collègue qui n’appelle pas... ben quoi, j'ai des choses à faire moi, pas que ça à faire d'attendre ...
- Le moment tant attendu (redouté ?) arrive.. les coucous d'usage et on entre dans le vif du sujet. Madame unetelle,...Mr Truc, et puis au fait n'oublie pas que demain faut passer plus tôt...., faudra appeler le médecin,... il manque un médoc, et puis on a un nouveau patient .... Et là ça y est, le mot est lâché: un nouveau patient ! instant de panique, on le fait quand ? on y va comment? y a son nom sur la sonnette ? faut lui faire quoi ?....
Ma pauvre Clématite !!!! Après tant d'années de bons et loyaux services avoir aussi peu de faculté d'adaptation, c'est juste lamentable !!! Faut arrêter, et faire autre chose... ben justement, j'y pense !
Selon celle de mes associées qui appelle, ça passe ou ça casse. Une est plutôt genre "ça va aller t'inquiète, tout est sous contrôle ", l'autre plutôt genre catastrophiste ... alors déjà que j'ai pas envie...
- Après une demi heure à une heure de relève épuisante (pour 5 heures de tournée)je suis aussi vidée que si je venais de faire la dictée de Pivot en coréen. Mon humeur s'en ressent bien évidemment, je me sens étreinte d'un malaise indéfinissable, cette sensation mal définie de danger imminent. Comme les petits, je dis "je veux pas y aller" ...
- Je ne dors quasiment pas la nuit de la veille de reprise, je me réveille à peu près toutes les heures, me demandant encore embrumée si j'ai le temps de dormir encore un peu,
- Lors de ces réveils furtifs et fréquents, je suis tellement dans le pâté que je bidouille mon radio réveil, me demandant, toujours dans le gaz, si j'ai bien programmé à 5h30... Pour me réveiller une heure plus tard, un reste de conscience inconsciente me soufflant que j'ai peut être supprimé l'alarme en voulant la programmer, et je me retrouve à actionner frénétiquement ce pauvre bouton on/off qui ne sait plus où donner du voyant rouge.
- Je me conditionne, tel un boxeur avant de monter sur le ring, avant de démarrer la tournée du matin et encore plus celle du soir, me trouvant mille choses de dernière minute plus importantes à faire.
- Je suis incapable de m'habiller "normalement", c'est à dire "en fille"... alors que je ne fais que monter et descendre de ma voiture, je me sens obligée de revêtir la tenue de combat de Rambo, chaussée des grolles de Vandamme. Je me maquille quand même, faut pas pousser !
- Bizarrement, une fois dans ma voiture ça va ! j'apprécie le petit matin, sans circulation encore trop dense, cette espèce de solidarité virtuelle entre les lèves-tôt au feux rouges, cet air frais et revigorant, les nouvelles du jour à la radio ...
- Mais au bout d'une heure j'en ai déjà marre. Je m'ennuie, je compte les patients qu'il me reste à voir, je souffle quand je ne trouve pas de place pour me garer, ou suis prise dans les bouchons. Et là je me dis que ce n'est plus possible!
- Milieu de matinée : plus que 5 à faire. Je commence à taquiner mon portable, mes mails, Facebook, je manque de me faire écraser en traversant, je me fais klaxonner au feu qui passe au vert, je monte un étage de plus qu'il ne faut, absorbée par le dernier post sur mon groupe , et j'ai faim.
- Fin de mâtinée: fini ! mais ce soir on y retourne... Ça me gâche un peu à vrai dire, je commence à compter les heures à rebours. Alors : départ à 16h30, donc il me reste 4 h30.
- Et le soir je suis fatiguée, j'ai mal au dos et j'en ai marre. Et pourtant je sais que je fais un boulot dans lequel je suis indépendante, je gagne correctement ma vie, personne qui me commande (sauf les patients), je sais que je ne devrais pas me plaindre, oui je le sais...
Alors ? Ou est le problème ?
Il est dans 29 ans de libéral, qui usent, qui fatiguent le dos et la patience, qui éliment les sens (surtout l'odorat, cf post précédent), qui donnent à voir un côté très peu reluisant de la vie (la vieillesse) et surtout dont j'ai fait le tour.
La différence avec "avant", lors de mon burn out, c'est que maintenant je l'assume ! J'assume le fait d'en avoir marre et je m'autorise à le dire sans honte.
J'ai le droit de ne plus avoir envie d'être infirmière libérale !
Hummmmm, que c'est bon !
Imaginez vous être mariée depuis fort longtemps à un homme à qui vous n'avez pas grand chose à reprocher, mais avec qui vous n'avez plus envie de coucher (je vois des sourires ! ) Il vous nourrit pourtant, il est gentil, prévenant, vous ne manquez de rien et en plus il vous bade. Mais rien à faire, vous vous forcez.
Et bien voila, j'en suis là, plus envie, je me force trop. C'est plus possible !
Pas grand intérêt dans cet article, je vous l'accorde, si ce n'est de dire ce que je ressens. D'aucun trouveront ce billet intimiste ou très métaphorique, mais non, je voulais juste le dire.
Plein les burnement vôtre
Clématite
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