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Ma réflexion du jour porte sur un fait qui ne concerne peut être que mes collègues libéraux des grandes villes...
D’avance je prie les autres de m’en excuser.
Je suis sur Marseille et depuis quelques années la tendance est à l’extrême sécurisation des résidences (cités, lotissements, groupes d’immeubles, ….).
Cela a commencé par un portail automatique avec la plupart du temps un code.
Qui change en principe tous les 3 à 6 mois, parfois, plus longtemps.
Jusque-là tout va bien, dans le pire des cas, si le patient a omis de nous avertir du changement de code, un petit coup de fil en bas et hop, sésame ouvre toi.
Puis, le code étant trop souvent divulgué, à mon avis, aux livreurs de pizzas et autres potes de l'ado "bizarre" du Bloc 4, (si si, celui qui bouge la tête, celui qui fume de la drogue, vous savez bien Mme Michaud * [1]... ben c'est pas étonnant avec la mère qu'il a... moi j' vous dis, eud'not'temps c'était pas comme ça ! Une bonne rouste et qu'y filaient ben droit, les gosses, non mais !... Mon Marcel, Dieu ait son âme, y se laissait pas faire par ces malotrus !), bref, les portails sont montés en grade et ont obtenu l’ouverture commandée par téléphone…Alors là ! Bonheur suprême… vous avez un boitier sur le portail avec un relatif mode d’emploi et des flèches (droite et gauche, ou haut et bas) servant à faire défiler les noms pour , une fois le nom du destinataire affiché, cliquer sur la « cloche » (là tout de suite c’est moi qui me sens cloche) pour sonner et se faire ouvrir.
Tout le monde suit ou je répète ?
Alors effet pervers :
1. Une cité de 25 immeubles de 12 étages. Votre patiente, la sympathique Mme Michaud, arrive en …..heu…(12 étages à 4 appart/étage =48 x 25 = 1200 eme /2= ) 600ème position.
2. Il est 7 h du mat, la tournée commence, parfois il pleut (si, si !) souvent le mistral et on fait défiler ces noms….. Car pas tous les boitiers ont un accès direct à la lettre (comme sur les mobiles) ou un code #xxx. Ou Mme Michaud ne le connaît pas….ou elle s’en fout…
3. Ca y est, le M commence….Je cloche, pardon, je sonne… Et là j’entends effarée : « bip-bip-bip…votre correspondant est occupé ! » Et oui, la sonnerie arrive sur le téléphone et Mme Michaud devait absolument raconter à Mme Glandu que le père Goriot venait de casser sa pipe et était enterré demain…. « Boudiouuuuu, j’ai raté l’infèrmière ! ».
4. Le souci c’est que pour la patiente suivante : même combat et ainsi de suite le matin et le soir.
Nous passerons sous silence le portail QUI NE MARCHE PAS….celui qui est forcé en permanence et bloqué en position « ouvert », lui c’est bien ! Mais celui qui est bloqué, qui ne s’ouvre pas…. Malgré les multiples boutons inaccessibles et les pauvres résidents qui s’échinent dessus. Si on est encore a l’extérieur, on s’en accommode bien, mais quand on veut sortir de là pour continuer sa tournée, c’est la cata.
Mais Mais ce n’est pas fini !
Passé le premier barrage de fort Knox, on arrive en bas de l’immeuble : et là soit on sonne bêtement… soit on ouvre avec une clé magnétique, à aimant….La nouvelle tendance à la mode.
Je bosse en libéral depuis 28 ans, et j’ai toujours transporté avec moi un trousseau de clés digne de « passe partout » (le maitre des clés de fort boyard). Ce qui, cahin-caha, m’a permis d’entrer chez à peu près tous mes patients, valides ou non.
La donne est différente aujourd’hui : cette clé magnétique est délivrée au compte-goutte par les syndic d’immeubles (les enfants des patients sont souvent 2 ou 3 à en disposer et donc le capital clé est épuisé). De plus elles sont assez couteuses (15 à 25 euros), nous sommes 3 associées (donc 3 clés) et les familles ne jugent pas toujours utile de nous en commander une…
Problème :
1. Quid du patient malentendant ? et même carrément sourd ? Il n’entend absolument pas notre coup de sonnette. Donc des longues minutes de combat à chaque passage, souhaitant qu’il se trouve près de sa porte ou qu’un voisin sorte de l’immeuble…le dimanche matin c’est pas top !
2. Quid du patient dément ? qui vit seul chez lui et répond au téléphone quand il entend la sonnette de la porte d’entrée ? ou ne sait plus sur quel bouton appuyer pour ouvrir… S’il est sourd et dément, ça se corse vraiment !
3. Quid du patient cloué dans son lit (grabataire ou handicapé ou immobilisé suite à sciatique ou maladie grave….) ?
4. Quid des nombreux intervenants nécessaires au maintien à domicile ? IDE, kiné, aide-ménagère, médecin, orthophoniste, livraison des repas, prestataires, pompiers…..Comment gérer tout ce monde sans couacs ?
Je suis moi-même restée souvent dehors, sans pouvoir entrer chez une patiente alors que je savais qu’elle était présente…. Disposant de la clé de son appartement ! Mais bêtement coincée dehors !
Si je résume, toutes les résidences sont désormais fermées, avec un portail externe. Nonobstant le temps passé à descendre de voiture, faire le code (ou chercher le nom et sonner), attendre que le portail ne s’ouvre, sonner et attendre en bas de l’immeuble, attendre l’ascenseur (ça aussi, un grand bonheur les ascenseurs nouvelles normes qui mettent 3 plombes à se fermer) et ressortir avec à nouveau : code et ouverture du portail, je me questionne sur la sécurisation d’un tel système pour le patient dépendant ???
Tant qu’il peut répondre au téléphone et appuyer sur l’ouvre porte tout va bien, dès qu’il est immobilisé ou en perte cognitive comment fait-on ?
Nous n’avons plus de code portail, plus de clé d’entrée d’immeuble… Où est la sécurisation dans tout ça ? Les aidants naturels ne sont pas forcément disponibles pour ouvrir à tous les intervenants réguliers et quotidiens. Comment accéder aux domiciles des plus dépendants ?
Et là je n’ai pas vraiment de réponse… je subis un changement sociétal que je trouve dangereux pour les moins valides, et à l’heure de la préconisation du maintien à domicile je ne trouve pas que la logistique soit bien adaptée.
Pourrait-on imaginer une sorte de clé magnétique avec un code standard, qui ouvrirait tous les portails ou immeubles et ne serait délivré qu’aux personnes autorisées ? Avec un numéro de série pour savoir qui possède quoi…
Je ne sais pas, c’est juste une idée en l’air.
Ma conclusion serait : trop de sécurisation tue la sécurité…
Fort Knoxement vôtre,
Clématite.
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