• - Mes RV manqués avec le HIV -

    - Mes RV manqués avec le HIV -Nouvelle campagne de pub de AIDES: Moi, le SIDA

    "Bonjour ! (...) Je suis là pour parler de moi. Je n'ai pas l'habitude étant donné que avant d'autres le faisaient à ma place. On parlait de moi tout le temps, partout. C'était.. piouf... la consécration ! Mais là je sais pas... J'ai l'impression qu'on m'oublie !"

    Flash back.... Plus de 30 ans que j'exerce...

    Parfois je me remémore mes débuts, certains patients, certaines situations et en repassant par une rue du quartier où j'exerce, je repensais à 28 ans en arrière... .

    Nous sommes fin 1987 

    Je suis jeune, enceinte de quelques semaines, infirmière à domicile et je fais des prélèvements pour un laboratoire le matin, avant d'aller voir  mes patients habituels. Chaque soir la secrétaire du laboratoire d'analyses médicales m'énonce d'un ton monocorde, sur mon répondeur (du fixe, car pas de téléphone mobile à l'époque!), la liste des patients à "piquer" le lendemain matin. Avec les habituelles contraintes horaires (pas après 7h, pas avant 8h30, sonner chez le voisin, à jeun, pas à jeun...).

    Des nouveaux (souvent) et quelques habitués.  Dont "Bertrand" (le prénom a été changé).

    Bertrand a environ 40ans, assez efféminé, très mince, très cultivé. Je lui fait un bilan de coag. chaque semaine. Il a eu des problèmes cardiaques ou je ne sais quoi, à l'époque je m'en souciais guère! on se tapait la discut quelques minutes quand je le pouvais, car il était fort agréable et sympathique. 

    Et un jour, alors que je ramenais mes tubes au labo, la laconique secrétaire (que je côtoyais néanmoins quotidiennement depuis un an), se fend d'un bref " tu es au courant pour Bertrand ?". Au courant de quoi ???

    " Il a le SIDA..."

    Elle m'aurait dit "demain il pleut", je suis certaine que son visage aurait trahi une once d'émotion, mais là rien! Froide et détachée.

    Je bredouille: "quoi ? comment ? Vous le savez depuis quand ? "

    - "Ben depuis 2 ou 3 semaines, son toubib avait demandé le test. On a du oublier de te le dire...". Et la voilà se replongeant dans ses papiers, me laissant sidérée à plusieurs titres. 

    1) Ben je suis ENCEINTE! Et je "pique" Bertrand depuis des lustres chaque semaine. Et à  l'ancienne: queue de rat et aiguille, sans gants, sécurité Zéro, quoi!.

    Rapide remontée dans le temps: me suis déjà piquée avec son aiguille?.... Comment se souvenir vraiment? Comment être sûre qu'une goutte de son sang n'a pas pu entrer en contact avec une micro blessure de mes doigts? l'AES potentiel dans toute sa splendeur, sans moyen de vérifier car à l'époque bien sûr,  tout était beaucoup plus obscur qu'aujourd'hui.

    2) Pour Bertrand, car à l'époque, pas de traitement connus...Et beaucoup de fantasmes sur le SIDA.

    3) Cette désinvolture de la part du labo qui me laissait faire des prélèvements sanguins sans mesures de protection  particulières, en connaissant un diagnostic et sans prendre la peine de m'en informer...

    Du coup quelques semaines plus tard, j'ai cessé les prélèvements à domicile. C'était fatiguant, stressant, peu rémunérateur, et du coup assez dangereux pour mon futur enfant. J'avais la nausée tout le temps en entrant dans ces maisons chargées d'odeurs corporelles et d'haleines fétides. Et les escaliers aussi me fatiguaient. Dix domiciles entre 7h et 8h30, à Marseille c'est pas facile! 

    Un peu plus avant... 1986, même laboratoire

    Je fais pareillement des prélèvements réguliers à un monsieur d'une soixantaine d'années. On sympathise, avec sa femme et -surtout- son fils.  Un beau gars de 27 ans, cheveux bouclés châtains clairs, yeux bleus, belle allure. Il ne manquait pas de venir me proposer un café le matin, et de papoter avec moi,  surtout que je faisais des injections quotidiennes à son père par la suite.

    Petit jeu du chat et de la souris, j'attendais qu'il me propose de sortir avec ses potes le week end , RV mi galant/ mi-copain.  J'avoue qu'il me plaisait bien, j'étais célibataire et donc ma foi... Sauf que! 

    J'appris rapidement qu'il consommait des substances illicites (bref, il se shootait), et je me trouvait dans la même semaine à lui faire un prélèvement : HIV. Damned!! Il était positif, et oui...

    Adieu veau, vache cochon... Je rangeais mes rêves de Damoizelle romantique et gardais ma posture soignante. Je crois que ça s'est mal passé pour lui, ayant revu sa mère quelques mois plus tard, il était a l’hôpital... Et ZUT! 

    Encore plus loin.... 1984

    Les tout débuts de mr SIDA. On en parlait en chuchotant, "une maladie mortelle" qui touchait les homosexuels et les "drogués". On ne savait pas comment cela se transmettait, et surtout ces pauvres patients faisaient figures de "pestiférés " dans les services.

    Là où je bossais , il y avait un jeune homme, reclus dans la chambre tout au fond du couloir. On l'aimait bien, il était très gentil, mais on ne se précipitait pas quand il fallait le prélever, et c'était souvent, le pauvre! Un vrai animal de laboratoire. Bilans sanguins, perfusions, soins de peau (il avait un Kaposi), là non plus, nous ne savions comment gérer sans le mettre mal à l'aise ni prendre de risques. Les quelques cours de l'IFSI sur ce sujet ne nous rassuraient guère!  

    Depuis je me suis faite dépister, bien sûr, à de nombreuses occasions et la prise de risques s'est amenuisée. Je confirme: quelques RV manqués. Mais  je ne m'en plaindrai pas.

     "Je suis un ami fidèle mais... sans la partie ‘ami’ ", en effet, sans la partie "ami". 

    Achivement vôtre!

    Clématite

    « - VOUS ETES SUPER! -- LE LIBÉRAL M'A TUER - »
    Partager via Gmail